16 janv. 2015

La grâce subtile et délicate d'Emma Solal

(c) Laurence Guenoun
« Françoise Hardy est une artiste qui m’a toujours accompagnée dans mes états d’âmes » confie Emma Solal en préambule de son spectacle « Messages personnels ». Des messages aux accents jazzy qu’elle délivre d’un timbre suave, accompagnée par deux musiciens : Paul Abirached (guitare) et Philippe Istria (percussions). L’ensemble dégage évidemment une certaine mélancolie, mais aussi des moments joyeux et légers. Dès les premières notes, on tombe sous le charme d’Emma Solal qui revisite des titres connus et moins connus comme « Le premier bonheur du jour », "Rêver le nez en l’air », « Fais-moi une place », « Effeuille moi le cœur », « Comment te dire adieu » (texte de Gainsbourg ), « Faire à nouveau connaissance » (écrit pour Diane Tell), « J’ai coupé le téléphone » ou encore « Mon amie la rose », qu’elle interprète a cappella, tout juste soutenue par quelques percussions… 
Hormis la lecture de phrases extraites du livre de Patrick Modiano « Dans le café de la jeunesse perdue », les commentaires entre les morceaux semblent presque superflus.  
On se souvient qu’à 23 ans, Françoise Hardy chantait déjà « Ma jeunesse fout le camp » avant d’abandonner la scène un an plus tard. L’exercice était donc périlleux car ses chansons sont rarement reprises. Mais, avec « Messages personnels », Emma Solal apporte à ce répertoire une grâce subtile et délicate. Un bonheur à goûter d’urgence, le soir, dans la salle intimiste La Bohème.
Annie Grandjanin

Jusqu’au 28 février, les mercredis et samedis, à 21 h 30, au Théâtre Les Déchargeurs, salle La Bohème, 3, rue des Déchargeurs. Tél. : 01.42.36.00.50. www.lesdechargeurs.fr


15 janv. 2015

Serge Hureau, l'alchimiste de la chanson



(c) Pascal Lafay
Le 17 décembre dernier, le Hall de la Chanson proposait une soirée exceptionnelle pour fêter sa première année d’installation dans l’ancien café des bouchers de la Villette. L’occasion pour Serge Hureau, le directeur, d’enfiler sa blouse blanche pour parler de son « laboratoire ».
Un laboratoire dans lequel, avec la complicité du talentueux Olivier Hussenet et de son équipe, ce drôle d'alchimiste analyse, réarrange et ressuscite des chansons du patrimoine. Soucieux de transmettre sa passion,  il enseigne également au Conservatoire National d'Art Dramatique, organise des conférences chantées, des stages, des concerts, des animations... 
Le Hall de la Chanson est un lieu unique en France, non ?
C’est vrai. Nous sommes des fondateurs. Il y a des opéras, des musées, la Comédie Française…mais il n’y avait pas encore de lieu pour la chanson.
Comment l’expliquez-vous ?
Comme c’est un objet populaire, étroitement lié au quotidien, on ne le considère pas comme quelque chose de rare, qu’il faut protéger. On a parfois noyé des trésors dans l’oubli. La chanson n’est pas considérée comme un objet de valeur de la part de ceux qui ont la charge de la culture et de l’éducation. Pour l’instant, les moyens que nous avons ne sont pas décents.
Contrairement à ce que l’on demande aujourd’hui aux jeunes artistes, vous défendez le statut d’interprète ?
Tout-à-fait car cela demande beaucoup d’humilité. Les interprètes représentent un peu le public d’une époque. Le grand malheur de la chanson, c’est qu’elle est souvent utilisée comme un outil commercial. Les médias fabriquent du culte, de la renommée. Nous, nous essayons de faire de la culture. Grâce à une chanson, on peut parler des rapports entre les hommes et les femmes, de la sexualité, de l’oppression, de l’inégalité…C’est un matériau d’éducation. On y apprend notamment comment les hommes s’adressaient aux femmes au XIIIème siècle. Nous avons d’ailleurs baptisé notre récent spectacle autour du répertoire de Nougaro « Sous ton balcon », pour rappeler qu’autrefois, les garçons chantaient en bas des fenêtres des filles.
Justement, Nougaro fait partie des artistes dont on ne revendique pas forcément l’héritage ?
C’est peut-être mieux pour lui. Cela redonne une certaine virginité à son répertoire. Certains de nos élèves ne le connaissaient pas et ils nous ont offert leur version, leur interprétation. Il ne suffit pas de se fier à la partition, il faut imaginer le résultat sur scène.
D’où votre attachement à l'idée de « laboratoire » ?
Nous nous  livrons à des expériences qui doivent donner des résultats très vite pour en faire la démonstration en public. C’est aussi notre cuisine : on cherche, on élabore, on sort le plat et on le partage avec le public !
Quel est donc le menu des prochaines semaines ?
Nous préparons « Le dernier des idiots ». Une création (le 21 février) dans l’esprit des cafés-concerts où chaque rôle est distribué en fonction des emplois : il y a le gommeux, la gommeuse, le chanteur et la chanteuse à voix ou encore l’idiot qui venait souvent de la campagne et que l’on confondait parfois avec le comique troupier. Nous reprendrons aussi  « Parade fauve » (le 30 janvier), « Fleur au fusil » (les 6, 7 et 8 mars), « On chantait quand même »( la chanson sous l'occupation). Et le 28 mars « Ma vie à l’envers » sur Réda Caire qui fut notamment le prof d’Yves Montand et dont la carrière a été occultée par celle de Tino Rossi. Ses chansons sont d’une beauté folle…
Nous avons également « Du Coq à l’âne », un spectacle de chansons pour les enfants. Mais, avec les récentes mesures de sécurité, ils ne pourront sans doute pas venir à la Villette. Nous prévoyons donc d’aller le jouer dans les écoles…

Propos recueillis par Annie Grandjanin

Hall de la Chanson, Centre National du Patrimoine de la Chanson, des Variétés et des Musiques Actuelles. Parc de la Villette, Pavillon du Charolais, 211 av. Jean-Jaurès, 75019 Paris. Infos et réservations : 01.53.72.43.01. www.lehall.com