26 nov. 2014

Mélanie Dahan: « Keys »

Revisiter des standards est toujours un exercice périlleux. Rares sont les artistes qui parviennent à imposer leur « patte » ! Pour un Jeff Buckley dont la superbe reprise d’« Halleluja »  nous a presque fait oublier la version originale de Leonard Cohen, on ne compte plus les pâles copies… 
Avec ce nouvel opus, Mélanie Dahan s’est attaquée à de sacrés morceaux ! De « Everytime we say goodbye » de Cole Porter à « What’s new » de Bob Haggard en passant par « Never said » d’Herbie Hancock et Stevie Wonder  ou encore « Whisper not » de Benny Golson, la vocaliste française n’a manifestement pas joué la facilité. Mais le résultat est à la hauteur: technique vocale irréprochable, arrangements ciselés et une approche résolument contemporaine et inventive.
Pour faire bonne mesure, la demoiselle a eu la bonne idée de faire appel à cinq pointures du piano : Baptiste Trotignon, Pierre de Bethmann, Manuel Rocheman, Franck Amsallem et Thomas Enhco, à charge pour chacun d’entre eux de proposer deux relectures inédites de ces succès du répertoire américain. Le batteur cubain Lukmil Perez et le contrebassiste Thomas Bramerie complètent harmonieusement l’ensemble.
Annie Grandjanin
  
Les 27 et 28 novembre, à 21 heures, au Sunset, 60 rue des Lombards, 75001 Paris. Tél. : 01.40.26.46.60. Prix : 25 €. http://www.sunset-sunside.com/concert/2014/11/
Et les 23 et 24 janvier 2015, au Duc des Lombards, 42, rue des Lombards. Tél. : 01.42.33.22.88. 
Album « Keys » (L’Autre Distribution).




18 nov. 2014

Lokua Kanza : « Je n'oublierai jamais Jean-Louis Foulquier »


Les années qui passent semblent n’avoir aucune prise sur lui. Et la notoriété n’a pas non plus abîmé sa belle simplicité. « Je n’ai jamais fait partie du star-system » confie Lokua Kanza qui fête cette année ses vingt ans de carrière. Et lorsqu’on l’interroge sur sa trop rare production (son dernier opus « Nkolo » est sorti en 2010),  il répond en riant : « Enregistrer un album demande beaucoup de maturité. Il faut du temps... »
On se souvient de ses débuts, lorsqu’il chantait en s’accompagnant à la guitare dans les rues de la Rochelle, tandis que ses aînés se produisaient au Festival des  Francofolies. Impossible de ne pas s’arrêter pour découvrir ce jeune zaïrois au timbre cristallin.
Quelques années plus tard, Jean-Louis Foulquier choisira de le mettre en vedette lors d’une soirée baptisée « La fête à Lokua ». « Je n’oublierai jamais cet homme.  A l’époque, il a dit : je veux mettre ce garçon sur la grande scène. Il m’a offert le plus beau des cadeaux. ». Même émotion, lorsque le chanteur a assuré la première partie de Jean-Louis Aubert au Zénith. Même si là, le cadeau semblait un peu… empoisonné ! « Quand tu commences à jouer et que tout le monde se met à crier « casse-toi ! », c’est plutôt dur, mais j'ai continué". Au bout d’une ou deux chansons, le public tombe sous le charme et la tournée se poursuivra avec succès.
Le succès, l'ancien musicien de la diva Abeti l'a rencontré dès la sortie de son premier disque éponyme en 1993. On dit volontiers que sa vocation est née en écoutant Miriam Makeba. Mais on oublie parfois qu’il  a eu le bonheur de donner la réplique à la star sud-africaine dans l’album « Homeland » et qu'il lui a écrit trois chansons. Et il demeure à ce jour l’un des rares artistes africains (sinon le seul) a avoir composé pour Nana Mouskouri (« Chemin de la joie »). Il a également coiffé la casquette de producteur pour Sara Tavares (« Mi Ma Bo ») et Pedro Guerra (« Tan Cerca de Mi »), sorti un bel album collégial "Toto, Bona, Lokua" (avec Gérald Toto et Richard Bona), chanté en français dans "Plus vivant" concocté avec la complicité d'auteurs comme Camille, Belle du Berry ou Marie Nimier, a reçu deux prix pour des musiques originales de films...
Chanteur, musicien, arrangeur, compositeur, producteur… Lokua possède bien des talents. « Je ne sais pas tout faire ! Mais certaines choses sont venues naturellement, parfois malgré moi. Quand tu es un jeune artiste et qu’on te demande combien tu as vendu de disques avant d’accepter de travailler avec toi…tu es bien obligé de t’y coller tout seul  et d’assumer». Assumer, il a appris à le faire dès son plus jeune âge « J’étais l’aîné de la famille et je suis devenu assez vite le « papa » de mes frères ». Un sens des responsabilités et de l'engagement qui l’ont conduit naturellement à défendre la cause des femmes violées en Afrique. Il a récemment signé la musique d’un reportage qui dénonce ce fléau. « Je suis allé dans un hôpital où l’on soigne les blessures physiques et psychologiques subies par ces femmes. J’ai parfois honte d’être humain » confie-t-il.
Citoyen du monde, il revient de Rio où il a vécu plus de deux ans. « A chaque fois que l’on se frotte à une autre culture, il en ressort quelque chose. J’ai travaillé là-bas avec de nombreux artistes réputés. Leur musique et leur simplicité m'ont touché. On se retrouvait souvent entre nous, juste pour le plaisir de jouer ensemble. Au Brésil, j’ai retrouvé l’Afrique mais avec davantage d’harmonies ». Il songe d'ailleurs à franchir l’Atlantique pour s'immerger dans la culture américaine. Mais c'est une autre histoire...
Pour l'instant, Lokua Kanza a repris le chemin des studios pour l’enregistrement d’un album qui devrait marquer ses vingt ans de carrière (sortie prévue en 2015). Il a déjà réuni autour de lui Ray Lema, Manu Dibango, Richard Bona, Wasis Diop, le batteur et percussionniste de jazz Paco Sery…  « De grands artistes que j’adore. Cela devrait bouger ! J’y mets beaucoup de mon cœur et de mon âme.» Comme dans tout ce qu'il a produit depuis ses débuts…
Annie Grandjanin

12 nov. 2014

Le pessimisme heureux de Fabien Martin


C’est un peu le retour de Martin… puisque le chanteur a attendu pas loin de sept ans après l’album « Comme un seul homme » pour sortir, en mai dernier un EP baptisé « Littoral ». Comme par le passé, il évoque le temps qui passe, le spleen d’un homme pas toujours à l’aise dans ses baskets et dans son époque, avec une poésie et un humour au second degré que l’on avait pu apprécier dans son premier opus « Ever Everest ».
Symboliquement emmenées  par le bien-nommé « Le phare », des chansons comme « La croisière s’emmerde », « J’aime pas »  « La touche étoile » ou « Ciel de traine » balisent un univers intemporel dont  Fabien Martin dessine les creux et les reliefs avec une nonchalante mélancolie, teintée d’élans joyeux . « De la variété mal rasée » comme il la définit lui-même, qui lorgne du côté de la pop anglo-saxonne et dont il a signé paroles et musiques. Parmi les musiciens figurant sur l’EP, on découvre le copain Mathieu Boogaerts à la batterie. Et c’est un autre copain qui a eu la bonne idée de lui ouvrir son appartement pour une série de concerts privés et intimistes « In the Loft », présentés cet été. Il investit demain une « vraie » scène pour un tour de chant qui mêlera anciens et nouveaux titres et peut être, en primeur, un ou deux morceaux de son nouvel album annoncé pour début 2015.
Annie Grandjanin
 
Le 13 novembre, à 20 heures, aux Trois Baudets, 64, bd de Clichy, 75018 Paris. Tél. : 01.42.62.33.33. www.lestroisbaudets.com

8 nov. 2014

« Qui chante ce soir ? », par Jean-Claude Barens

 
Auteur de ces fragments biographiques (presque) imaginaires, Jean-Claude Barens qui fut notamment le directeur du FestiVal-de-Marne, de 1993 à 2012 nous propose un ouvrage aussi passionnant qu’insolite.
Plutôt que de brosser des portraits traditionnels (souvent redondants), il livre  ici des petits instantanés de vie, laissant au lecteur le choix de démêler la fiction de la réalité.
Vingt profils suivis de photographies (réalisées par Francis Vernhet), le tout présenté dans un joyeux désordre. Le but ? Associer le texte et l’image. Au hasard des pages, on découvre ainsi la diva de Savoie, une Madelon dévergondée dont le papa tenait le pupitre des saxophones ou des clarinettes à l'Orchestre du Capitole, une diplômée d’urbanisme bercée par les musiques orientales et passionnée de country américaine des années 40, un petit auroch chez les Amerloques, Féfé ou encore un frenchy rencontré sur les bancs du Berklee College of  Music …
Catherine Ringer
(c) Francis Vernhet
Bon prince, l’auteur parsème ses énigmes d’indices qui devraient permettre au lecteur de ne pas se précipiter page 139 où se trouvent les solutions. Alternant le je et la position de l’observateur, Jean-Claude Barens séduit et intrigue avec ce procédé original et une écriture dont la savoureuse poésie fleure bon sa Gascogne natale.
Allain Leprest
(c) Francis Vernhet
« Les mots ont un pouvoir magique et la politesse élémentaire de la musique, c’est de donner de l’énergie » confie l’un des personnages dans « Qui chante ce soir ? ». 
Et il y a assurément de la magie, de la musique et de l’énergie dans ce livre. De la tendresse aussi pour ces artistes qui ont croisé la route de cet amoureux de la chanson. On soupçonne qu'après avoir créé et présidé une bonne douzaine de festivals (Chantons sous les pins, La Parade des cinq sens, les Océaniques, les Tempos du monde...) il a d’autres souvenirs dans sa besace…alors on attend la suite avec impatience !
Annie Grandjanin

Editions/Productions jcbarens 2014, 20 €